Francis Lôter: Parcours en Mélanésie

Sculptures monumentales, totems et échelles de vie, éloge de la verticalité, réflexion sur le multiple et la vie et la mort, omniprésence du bois... voilà ce que l’on pourrait retenir du "Parcours en Mélanésie" de Francis Lôter qui a débuté en 2007, avec son arrivée en Calédonie.

 Lôter est né en 1948 dans une famille de vignerons et de tailleurs de pierre. Natif de Cessenon sur Orb, il a passé toute son enfance et son adolescence dans ce petit village des hauts cantons de l’Hérault. Lôter se consacre pleinement à la sculpture et à la peinture depuis 2003. Il vit en Nouvelle Calédonie au Vallon Dore depuis 2007, où il travaille dans son atelier «Mon Cabanon» sur «Parcours en Mélanésie».

Sculpteur de l’invisible, peintre de l’indicible, il sait se préserver du brouhaha de notre époque trop bavarde. Et demeure au service du silence, au-delà des mots et des formules à l’emporte-pièce. Francis Lôter fait partie de ces êtres d’exception qui détiennent le langage secret de la matière. Le silence des îles mélanésiennes s’est laissé apprivoiser sous sa main. Simple beauté de la lumière. Doux sortilège de l’irréalité.

 

Lôter à la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie

 

Du 17 au 24 septembre 2010 Lôter expose au Festival des Arts Mélanésien. Quinze sculptures monumentales composent cette exposition intitulée «Parcours en Mélanésie 2007 - 2010 / Le Cargo des arts» et présentée dans les jardins de la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie à Nouméa.

 

Les totems et échelles de vie de Lôter, gigantesques figures de bois, témoignent de ses recherches sur les thèmes de la verticalité, mais aussi de la mémoire, de l’empreinte, du multiple chez l’Homme, des passerelles possibles entre les mondes, pour un métissage heureux et sans compromissions. Face aux éternelles questions liées à la vie et à la mort, ses oeuvres, qui font fi des différences culturelles, tendent à l’Universel.

Parcours en Mélanésie 2007 - 2010 / Le Cargo des arts

 

Il est des voyages immobiles qui bouleversent en profondeur celui qui les entreprend. Il est des traversées, de plusieurs milliers de kilomètres, qui, au lieu d’exiler, rapprochent de l’Humain et de ses éternelles interrogations sur la vie et la mort… Le périple entrepris par Francis Lôter fait partie de ces odyssées d’exception.

 

Ce qui frappe, en premier lieu, l’oeil et l’esprit : l’aspect monumental, l’essentielle verticalité, les sculptures alignées. Les bois géants dominent d’emblée le visiteur qui devine que ces figures gigantesques le contraindront - tôt ou tard - à s’interroger sur sa condition de simple mortel. Douce errance dans cette «forêt» habilement recomposée. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: l’homme, dans sa structure, est restitué à travers l’image de l’arbre, élément qui par excellence fait le lien permanent entre le ciel et la terre. Hommage au symbolisme et aux croyances mélanésiennes. Comme le faisait remarquer, au début du XXe siècle, le pasteur Maurice Leenhardt dans Gens de la Grande Terre : «Presque chaque clan fait remonter son origine à un arbre ou à un fruit dont il est iss», ou encore «L’arbre apparaît souvent comme l’enveloppe où gisait emprisonnée l’existence latente de l’ancêtre».

L’écorce en guise de peau, le coeur du bois pour tout os…

 

Ce sont ces sous-jacentes qui permettent à Lôter de poursuivre son travail sur le thème de l’empreinte, de la racine, de la mémoire. Les sculptures-totems prennent alors tout leur sens contemporain : l’esprit des Ancêtres est présent en référence, mais c’est le parcours de l’homme, l’espace d’une vie, que l’on suit au plus près!

Eternel retour

 

Fasciné par l’esthétisme des échelles dogons qui permettent d’accéder aux greniers où sont rangés les biens les plus précieux, séduit par la cosmogonie de ce peuple malien découvert dans Dieu d’eau de Marcel Griaule, l’artiste a approfondi sa réflexion sur l’existence et la mort.

 

L’échelle de vie symbolise une ascension temporelle qui progresse, marche à marche, et s’achève, en son sommet, par le trépas de celui qui la gravit. «Memento Mori» (Souviens-toi que tu vas mourir) clame l’étape finale du parcours, le haut de l’échelle. Et pourtant… Ultime espoir, chez Lôter, la fin n’est pas définitive. L’ascension de l’échelle est suivie par une descente qui doit ou qui peut donner lieu à une renaissance. Nouvelle main tendue du sculpteur à la culture mélanésienne. L’Homme meurt pour mieux renaître de ses cendres et se fondre dans le Minéral ou le Végétal.

 

Métissage heureux

 

Et que dire de ces figures, de ces visages omniprésents tout au long des échelles, des totems et des autres sculptures? À travers elles, Lôter accentue ses recherches sur le thème vertigineux du Multiple, approfondissant la problématique de l’homme pluriel, ébauchée préalablement. Ces faciès sont, certes, les multiples identités de l’être humain, mais aussi les masques qui camouflent et transforment. Comment oublier que, pour les Océaniens, le masque, ou le travestissement du corps, permettent souvent de faire parler et agir un esprit ancestral (humain, animal, végétal ou objet personnifié) dans un souci pédagogique, vis-à-vis des plus jeunes, afin d'évoquer l'histoire mythique du groupe… Dans le nord de la Grande Terre, il est associé au deuil et se manifeste dans les cérémonies mortuaires.

 

Rêvons, avec Lôter, que le cargo emmène avec lui la société traditionnelle, qui sans se dévoiler, ni se renier, choisira d’aborder un autre rivage. Lôter, artiste passeur et passerelle entre deux conceptions du monde, nous entraîne dans l’univers magique de l’illumination, afin que les sociétés modernes mélanésiennes aillent vers un métissage heureux. Ensorcellement de l’ouverture au monde, enfin désirée, enfin partagée.

 

Infos sur www.loter.info